Notre panique morale que pourra susciter Tinder et autres applications de rencontre reste nulle et non avenue.

Notre panique morale que pourra susciter Tinder et autres applications de rencontre reste nulle et non avenue.

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Au Manhattan des annees 1860, les jeunes messieurs et demoiselles en quete d’un peu de griserie pouvaient pousser la porte de la petite papeterie de quartier, ouvrir le carnet d’apparence anodine pose concernant le comptoir et griffonner un message destine tout le monde les inconnus aussi dans la confidence.

Lorsqu’un tel carnet tomba entre les mains de George Ellington, le chroniqueur mondain new yorkais allait y tomber sur, page apres page, les mots d’individus traitant d’eux-memes a la troisieme personne:

«Mademoiselle Annie B. –jeune femme d’excellente famille, probablement tres talentueuse et d’un temperament affable, souhaite dialoguer cartes de visite avec 1 “gentil” monsieur.»

«S.J. A. –un petit homme bien mis de sa personne, mais neanmoins plein d’esprit.»

«Blanche G. –une tres jolie fille, 20 ans, pleine d’esprit. Vise a correspondre, a se distraire et a satisfaire a Notre curiosite de voir combien de messieurs sont assez sots Afin de repondre a ceci.»

«James P. –monsieur tres engageant, de 35 annees, cherche a correspondre avec une jeune femme aux yeux bleus et aux cheveux clairs. Devra etre grande, jamais plus jeune que 25 annees sans depasser les 40. Le charme est preferable a J’ai beaute. Doit avoir du style.»

Sous chaque annonce, l’auteur avait note l’adresse du travail de poste le plus proche. Ainsi, si un monsieur se trouvait transporte par l’ecriture de Blanche G. ou d’Annie B., il pouvait envoyer un post secret dans cet etablissement et empi?cher que son pere ne l’intercepte. Comme beaucoup d’hommes de le epoque, Ellington ne pensait pas les femmes capables d’envoyer ou de receptionner du courrier. A chaque tournee postale, votre homme malfaisant se voyait offrir une nouvelle occasion d’enchainer une innocente jeune femme au «vice une correspondance clandestine».

A l’aube de l’apocalypse en drague

Cette entreprise de petites annonces, vilipendait Ellington, ne pouvait attirer qu’une «certaine classe d’individus de la metropole –notamment celle qualifiee de demi-monde, faite d’hommes et de femmes presses enclins a une vie rapide». Ellington, pour qui des hommes n’etaient cependant guere dignes de mention, noircit 650 pages de ses opinions sur les jeunes filles qu’il pensait detruire la fibre morale d’la societe avec leurs manieres de prostituees. Meme si ces jeunes femmes semblaient «de l’exterieur s’amuser de leurs diverses activites nocturnes», il nos diagnostiquait fondamentalement comme «blasees et fatiguees de tout». Le titre de son livre: ces dames de New York.

Est-ce que tu penses vouloir que je t’etrangle alors que je te baise, que je t’attache, que je te gifle, que je te defonce la bouche et que je te jute dessus?

Quasiment cent cinquante ans plus tard, une autre specialiste une societe new yorkaise decouvrait 1 nouvelle reseau de rencontres permettant a de jeunes femmes de ruiner l’Amerique en faisant du sexe avec d’affreux bonshommes. La chose s’appelle Tinder et, tel le raconte Nancy Jo Sales de Vanity Fair, les dizaines de millions d’utilisateurs de l’application hatent la survenue de «l’aube de l’apocalypse d’la drague» a chaque fois que un doigt glisse dans un ecran. Dans cette bouche de l’enfer pour smartphones, de jeunes hommes ainsi que jeunes femmes interagissent exclusivement a base d’echanges SMS distendus qui culmineront dans une portion de «sexe porno» alcoolise, accompagne de sa garniture de dysfonctions erectiles precoces.

Petites annonces epicees

Pour peindre un tel tableau, Sales se moque de la enquete statistiquement representative et publiee dans un journal peer-reviewed montrant que Notre generation Y a moins de partenaires sexuels que les generations precedentes, pour se focaliser sur l’opinion tout d’un unique psychologue qui estime qu’apres avoir fait «bombance» de partenaires sexuelles trouvees sur Tinder, les jeunes hommes en paraissent venus a souffrir de la «sorte d’obesite psychosexuelle» qui les empeche de ne point se comporter comme des connards.

Mes petites annonces d’aujourd’hui sont vraisemblablement plus epicees que leurs ainees –sur OkCupid, 1 type a recemment ouvert les hostilites de la sorte: «Est-ce que tu penses vouloir que je t’etrangle alors que je te baise, que je t’attache, que je te gifle, que je te defonce la bouche et que je te jute dessus?» Mais la panique sexuelle et technologique sous-jacente ressemble etrangement a sa version victorienne. Quelques temps apres la publication du discours de Vanity Fair, Naomi Schaefer Riley du New York Post faisait sienne l’invective de Sales contre Tinder dans une chronique qui canalisait habilement la ferveur d’Ellington: «Tinder est occupe i  dechiqueter la societe», annoncait Riley. Notre couplage hetero est «tombe au plus bas». Bientot, le https://www.besthookupwebsites.org/fr/militarycupid-review/ reve americain fait de «bonnes etudes, tout d’un bon taf, tout d’un bon mariage, [et] d’enfants» se verra annihile via «dix annees de glissement de doigt pour du sexe».

Notre romance electrique et Notre fin de l’innoncence

Les oracles mediatiques prophetisent cette prochaine apocalypse romantique depuis le premier envoi d’une requi?te en mariage via telegraphe, dans une bourrasque de lignes ainsi que points. Mais apres le telegraphe, il y eut le portable, les services de rencontre et PlentyofFish, et tous furent incapables de detruire le rituel d’accouplement heterosexuel. Je parie qu’en 2025 nous vivrons encore dans un monde rempli de familles ayant des enfants. Nous sommes deja passes par la. Alors pourquoi des technologies nouvelles reussissent i  chaque fois a activer votre excellente vieille panique sexuelle?

Les technophobes ont raison parce que ce temps libre de l’innocence n’a pas veritablement existe

Deja, parce que la memoire culturelle reste une feignasse. Di?s que Sales se requi?te: «L’accessibilite immediate de partenaires sexuelles permise par des applications de rencontre peut-elle inciter les hommes a moins respecter les femmes?», elle parai®t oublier combien nos hommes ont pu ne pas respecter leurs partenaires sexuelles tout le monde nos stades de l’histoire americaine. Certes, c’est degueulasse d’observer, en 2015, un utilisateur de Tinder comparer ses conquetes sexuelles a en bouffe commandee sur Internet, mais la chose est bien aussi degueulasse en 2002, quand un autre type comparait sa pratique des sites de rencontre avec des jouets achetes via eBay. En 1988, dans le livre When Old Technologies Were New [Quand les vieilles technologies etaient nouvelles], la specialiste des communications Carolyn Marvin souligne que nos technophobes ont mode a craindre que Notre «romance electrique», un coup declenchee, ne puisse plus jamais revenir a «un etat plus lent et plus innocent». Ils ont raison –notamment parce que ce moment de l’innocence n’a jamais veritablement existe.

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